Quand l’amour courtois rendait la «friendzone» presque attractive

Quand l’amour courtois rendait la «friendzone» presque attractive

Notre codification extreme d’une seduction au moyen Age n’a finalement gui?re beaucoup evolue avec moyen, comme le montre le concept de «friendzone».

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«Friendzoner» consiste a «zoner» dans un espace intermediaire, ventre mou des sentiments, ou seront relegues des amoureux et amoureuses lorsque l’etre aime un fait comprendre que ca ne va gui?re etre possible. I  la place d’amant ou d’amante, on devient le ou la pote-hyper-sympa-avec-qui-il-ne-se-passera-rien. Depuis Rachel et Ross dans Friends, on croise sans cesse ce type de relations au cinema, dans les romans, ainsi, surtout au sein des series.

A priori, donc, pas grand-chose a voir avec le Moyen Age et l’amour courtois qui unit Lancelot a Guenievre. Car entre ces deux-la —rompons d’emblee le suspens— Il existe du sexe. Et c’est l’eventualite au sein d’ la totalite des romans courtois du XII e siecle: si la dame est longue a ceder, il n’empeche qu’elle doit bien ainsi le Realiser a un moment: c’est 1 attendu litteraire des lecteurs et des auditeurs —et tant pis pour le mari.

Pourtant, quand on depasse cette affaire de lecherie (rien de scabreux dans ce mot qui signifie luxure en ancien francais, d’ailleurs encore aujourd’hui les Anglais parlent de… lechery), on peut tomber sur au moins trois points communs entre notre «friendzone» et ce moment ou le chevalier fera la cour a J’ai dame, mais ne l’a toujours pas connue bibliquement.

L’amour (courtois) n’existe jamais

Le premier point commun est evident: que ce soit la friendzone ou l’amour courtois, on a a faire a des relations fictionnelles, reellement codifiees, ou des roles seront definis a l’avance. Notre «friendzonant», celui-qui-prefere-rester-ami, est plus habituellement une femme. Elle s’efforce de rester dans le domaine de l’amitie, ainsi, le fait d’apres une serie de normes que les deux protagonistes maitrisent —et que nous, spectateurs, nous attendons.

Il telecharger willow en est ainsi pour l’amour courtois: la dame tel le jeune chevalier epris paraissent des personnages parfaits aux comportements reellement stylises. Tellement parfaits qu’on des donne en modele a toutes les jeunes chevaliers celibataires qui habitent les lei§ons, tel celle des Plantagenets notamment, ainsi, prochainement de l’Ile-de-France. Ils paraissent celibataires parce que les familles seigneuriales n’ont gui?re interet a marier tous leurs fils: ils prendraient le risque de laisser un heritage se morceler. Donc jusqu’a un age desfois assez avance, nos chevaliers ne prennent d’epouse que si leur seigneur la leur donne —avec des terres. Sinon, ils attendent, en revant d’un mariage qui signifierait une assise sociale.

J’ai friendzone comme l’amour courtois decrit des types de relation fondamentalement inegalitaires

Naturellement, ils ont acces a d’autres jeunes femmes —de rang social inferieur— mais ils revent d’une heritiere comme epouse. Notre dame des romans courtois coche une serie de cases: cette dernii?re est mariee, souvent reine, ainsi, bien sur i  chaque fois la plus belle. C’est le type aussi une femme dont devaient rever nos jeunes qui se prenaient pour Lancelot. A une nouvelle epoque, on aurait appele ceci 1 fantasme sexuel. Au XII e siecle, depuis egalement derriere une telle extreme codification un fantasme social.

Ca nous amene au deuxieme point commun: la friendzone comme l’amour courtois decrit des types de relation fondamentalement inegalitaires.

J’ai Dame domine forcement. en apparence

Dans la friendzone, c’est vaguement subtil: l’inegalite est fondee dans la difference de sentiment. L’un aspire a l’autre qui refuse. Pour l’amour courtois c’est bon nombre moins subtil: la difference de statut entre le chevalier —toujours celibataire— et Notre dame —plus vierge, mais pas encore mere— reproduit exactement l’architecture feodale. Car la dame est la femme du seigneur. Guenievre reste l’epouse du roi Arthur, Iseut la femme du roi Olivier, etc… Cela permet de rejouer nombre des aspects d’une relation vassal-suzerain.

Car que devra le vassal a son suzerain? Cela lui devra d’abord fidelite, comme Lancelot la jure a Guenievre. Cela lui doit aussi service. Or le type d’epreuve impose par la dame au chevalier releve du aussi ordre d’idee. Que Lancelot monte dans la charrette, au va parfois le honneur, ou qu’il traverse au peril de sa vie le pont de l’epee, Il semble pret a tout Afin de aller liberer Guenievre, prisonniere de Meleagant. Cela reste bien au service de une dame.

L’ordre social reste donc renforce par la diffusion des codes du fin’amor, nom que l’on donne aussi a l’amour courtois. Du point de vue des laics du moins, car on reste loin des normes religieuses du mariage que l’Eglise s’efforce de mettre en place dans le meme moment. Et ce qui explique en general que les rois et les seigneurs aient encourage la production et la lecture dans leurs cours des romans courtois qui faisaient virtuellement de leur femme le prix d’une competition entre leurs chevaliers. Mais seulement virtuellement: si les dames se montrent au sein des tournois, ainsi, peuvent y elire un favori, c’est dans le cadre d’une mise en scene publique qui n’entrainait aucune faveur privee.

Voila qui nous amene au troisieme rapprochement entre Lancelot et Notre friendzone: Guenievre, aussi si elle est socialement superieure a ses courtisans potentiels, est en realite 1 appat. Un bel appat certes —mais dont la marge d’action reste reduite.

Ou paraissent les dames?

L’amour courtois est un jeu d’hommes. Non pas parce qu’ils dominent la relation, mais juste parce que la relation n’existe nullement

L’amour courtois se developpe sous le patronage des seigneurs, plus que sous le patronage des dames. Cela se met en place au meme moment que les tournois et autres types de joutes. Et il releve une meme logique divertissant et pedagogique: il s’agit d’un jeu voue a entrainer les jeunes hommes a se maitriser, a surmonter nos epreuves, en acceptant des regles du jeu social. Georges Duby le decrivait ainsi: «un jeu mondain […] qui servait de compensation derisoire a toutes les frustrations des chevaliers contraints au celibat par les disciplines lignageres.»

Bref, l’amour courtois reste un jeu d’hommes. Non nullement parce qu’ils dominent la relation, mais simplement parce que la relation n’existe jamais: elle se deploie dans une serie de codes litteraires qui font de la femme l’objet d’une chasse vouee a developper les capacites masculines d’endurance ainsi que maitrise. Evidemment, hors des romans, personne ne touche l’actrice du seigneur. Mais on est libre d’une courtiser en fonction de des mises en scene elaborees qui rejouent les topoi d’une beaute feminine.

Notre XII e siecle, qu’on a decrit comme le siecle de l’invention de l’amour, invente donc 1 type de relation bien particulier: construit d’apres un scenario preetabli, qui respecte des structures sociales, ainsi, laisse en realite peu de place aux desirs des femmes. Ces romans seront ecrits du point de vue des hommes, ainsi, ni Guenievre, ni Yseult ne figurent dans le titre.

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